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Le personnel de cuisine du pénitencier était en droit de refuser de travailler après une attaque brutale, conclut l’enquêtrice

Des documents internes du Service correctionnel du Canada indiquent que les employés qui doivent travailler avec des détenus ne sont pas adéquatement formés et protégés.

Auteur : Ryan Thorpe, Winnipeg Free Press | Publié le : 25 nov. 2021 à 19 h HNC

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Veuillez prendre note que la version originale de cet article a été publiée en anglais par le Free Press de Winnipeg.  Le traduction qui suit a été réalisée par le SESJ.

Un employé civil des Services d’alimentation de l’établissement de Stony Mountain a été brutalement agressé par un détenu en août ― ce qui a déclenché un refus de travailler de la part du personnel de cuisine du pénitencier et a conduit à une enquête sur la santé et la sécurité au travail.

 

La cuisine du seul pénitencier fédéral au Manitoba a été le théâtre de nombreux incidents violents impliquant des détenus et des employés depuis que la direction de Stony Mountain a cessé d’affecter un agent correctionnel aux Services d’alimentation, il y a plus de dix ans.

 

La plus récente agression a été mise au jour après que Free Press eut obtenu une série de documents et de pièces de correspondance internes du Service correctionnel du Canada (SCC). Le SCC n’a émis aucun communiqué de presse relativement à cette attaque.

 

Un mois après l’agression, l’enquêtrice indépendante Kim MacDonald s’est prononcée en faveur des employés de cuisine qui refusaient de travailler, écrivant que le SCC n’avait pas « adéquatement identifié et évalué tous les risques entourant la santé et la sécurité des employés […], et pris des mesures pour les protéger ».

 

Le SCC a refusé de commenter, se contentant de confirmer que l’agression a bel et bien eu lieu. Aucune des questions écrites soumises par Free Press n’a reçu de réponse directe de la part de la direction du pénitencier fédéral, qui n’a fait que fournir plusieurs paragraphes détaillant les protocoles de sécurité.

 

Il s’agit là du plus récent d’une série d’incidents démontrant le manque général de transparence du SCC – et de l’établissement de Stony Mountain en particulier – qui perdure depuis des années, comme en témoignent les nombreux rapports de l’ombudsman du pénitencier fédéral.

 

L’agression s’est produite le 21 août lorsqu’un détenu a frappé un employé avec un manche à balai en métal, puis lui a asséné des coups de poing et de pied à la tête alors qu’il était étendu au sol.

 

Le détenu participait au Programme du travail en cuisine au moment de l’agression. Il a depuis été transféré dans un pénitencier d’une autre province.

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« Nous considérons qu’il n’est pas sûr pour nous de continuer à travailler avec des délinquants sans avoir reçu une formation adéquate. La formation nous donnerait les moyens de mieux réagir à des incidents comme celui qui s’est produit le 21 août. »

 — Représentant des employés dans une déclaration écrite à la direction du pénitencier

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Comme il n’y a pas d’agents correctionnels affectés à la cuisine, il a fallu plus d’une minute aux gardiens de prison pour intervenir au moment de l’agression, qui s’est terminée lorsque le détenu s’est retiré.

 

L’employé a été transporté à l’hôpital, où il a été soigné. Il n’est pas retourné au travail.

 

Le lendemain, 22 employés des Services d’alimentation ont refusé de continuer à travailler avec des délinquants tant que les problèmes de sécurité ne seraient pas réglés. Les employés ont réclamé une augmentation des effectifs, la présence d’un agent correctionnel dans la cuisine et une formation sur l’intervention en cas de crise non violente et sur l’intervention en cas d’incident violent critique.

 

« Nous considérons qu’il n’est pas sûr pour nous de continuer à travailler avec des délinquants sans avoir reçu une formation adéquate. La formation nous donnerait les moyens de mieux réagir à des incidents comme celui qui s’est produit le 21 août, » a affirmé le représentant des employés dans une lettre destinée à la direction du pénitencier.

 

L’enquête en matière de santé et sécurité au travail a été lancée le 27 août.

 

Le Programme du travail des détenus en cuisine a été suspendu pour la durée de l’enquête. Le SCC a fait part à l’enquêtrice indépendante de ses préoccupations quant au fait que la suspension du programme aurait pour effet de ralentir le processus de réhabilitation.

 

Dans une déclaration écrite à Free Press, le SCC a précisé que les employés des Services d’alimentation ont accès à « une formation et des séances pratiques de sécurité active, » mais n’a fourni aucune information sur le contenu de cette formation.

 

Le ministère fédéral dispose également de « normes nationales de formation qui prévoient une formation en matière de sécurité pour l’ensemble du personnel, y compris le personnel travaillant dans les zones des Services d’alimentation », ajoute un porte‑parole.

 

Cependant, l’enquête de Mme MacDonald a révélé des lacunes au niveau de la formation du personnel de cuisine.

 

« Les dossiers de formation confirment qu’un employé refusant de travailler a complété toutes les formations requises, mais un des cours est échu et la session de rafraîchissement n’a pas été suivie. Six des employés refusant de travailler ont reçu une partie de la formation. Quinze des employés refusant de travailler n’ont suivi aucune formation, » peut‑on lire de la plume de Mme MacDonald.

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« L’activité de travailler avec des délinquants expose les employés [des Services d’alimentation] à un risque de blessure, y compris une menace sérieuse à la vie ou à la santé des employés, étant donné que les employés refusant de travailler n’ont pas reçu de formation sur les façons d’interagir calmement, sur comment désamorcer une crise, ou sur comment intervenir lors d’une situation difficile avec des détenus. »

— Enquêtrice indépendante Kim MacDonald

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En réponse à cette constatation, le SCC a fait valoir qu’il n’est pas tenu d’offrir la même formation aux employés occasionnels ou contractuels. Or, l’enquêtrice a découvert qu’un employé avait été « occasionnel » pendant 12 ans.

 

Le SCC a également souligné qu’une « formation informelle » est offerte aux employés occasionnels et aux employés de durée déterminée, mais aucun registre n’est conservé. Mme MacDonald a rendu sa décision dans cette affaire le 24 septembre.

 

« L’activité de travailler avec des délinquants expose les employés [des Services d’alimentation] à un risque de blessure, y compris une menace sérieuse à la vie ou à la santé des employés, étant donné que les employés refusant de travailler n’ont pas reçu de formation sur les façons d’interagir calmement, sur comment désamorcer une crise, ou sur comment intervenir lors d’une situation difficile avec des détenus », écrit Mme MacDonald.

Le Programme du travail des détenus en cuisine a été rétabli après que le personnel des Services d’alimentation eut suivi une formation en ligne. Les employés des Services d’alimentation ont interjeté appel le 22 octobre. Ils ont déclaré qu’ils étaient satisfaits de la formation supplémentaire, mais que la grande majorité de leurs demandes d’amélioration de la sécurité avaient été ignorées.

« Nous avons besoin que la sécurité soit renforcée. Combien de personnes doivent encore être tuées ou gravement blessées ? [...] Il faut réduire la gravité des incidents en affectant un agent correctionnel aux Services d’alimentation et en augmentant nos effectifs », écrit un représentant des employés.

 

« Les Services d’alimentation ont grandement souffert de la négligence flagrante due au manque de formation et de sécurité de la part du SCC. »

 

L’établissement de Stony Mountain a retiré les agents correctionnels des cuisines en 2007 et, depuis, de nombreux incidents violents se sont produits aux Services d’alimentation, le plus grave étant le meurtre de Cosmo Valente, un détenu de 69 ans qui présentait des signes précurseurs de démence.

 

Valente a été poignardé par un autre détenu ― un incident qui, selon Mme MacDonald, « a toujours des répercussions psychologiques sur les employés du DSA ».

 

Byron Alden Jacob, 27 ans, a plaidé coupable à des accusations d’homicide involontaire relativement à l’attaque de juin 2012.

 

Lors de l’enquête de 2017 sur la mort de Valente, la juge Mary Kate Harvie a recommandé que Stony Mountain élabore « une politique écrite […] [sur] le nombre minimum d’employés devant être présents dans la cuisine en permanence […] [et] une politique déterminant le ratio approprié d’employés et de détenus dans la cuisine. »

 

Les employés des Services d’alimentation dénoncent que la direction de l’établissement de Stony Mountain n’a pas mis en œuvre les recommandations de la juge Harvie.

 

L’agression du 21 août a eu lieu durant la fin de semaine alors que les effectifs de la cuisine sont au plus bas, les employés civils étant trois fois moins nombreux que les détenus.

 

Dans une déclaration écrite adressée à Free Press, le SCC a déclaré que les dirigeants de Stony Mountain « travaillent avec le personnel des Services d’alimentation afin d’améliorer les processus et de répondre aux préoccupations afin d’atténuer les risques pour la sécurité du personnel. »

Toutefois, les documents coulés brossent un portrait très différent.

 

Dans l’appel de la décision de rétablir le Programme du travail des détenus en cuisine, un représentant des employés affirme que le SCC et la direction de Stony Mountain « n’ont pas réussi à entamer un dialogue sérieux » avec le personnel pour résoudre les problèmes de sécurité et ne font pas preuve de « transparence ni d’ouverture ».

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